Mon mode d’expression artistique c’est d’abord le chant. La vibration, primaire et directe, c’est le cri et la plainte, mais aussi la douceur de la berceuse, la sensualité de la séduction, l’expression de toutes les émotions qui nous traversent.
J’ai vécu d’autres vies : l’enfant qui ne doit pas être triste, l’étudiante sérieuse, l’expatriée à San Francisco, le haut fonctionnaire confronté à la crise financière et à l’irrésolution politique. Je ne renie pas ces vies, je m’y suis plongée avec engagement, ai appris beaucoup, noué des amitiés profondes et différentes. Toujours, en marge de ces vies, je touchais au chant. Un jour l’envie est devenue nécessité. Aidée par les rencontres, j’ai trouvé ma voix, elle est devenue plus libre, plus expressive, plus lumineuse. J’ai ouvert la porte de l’improvisation vocale et apprivoisé mes blessures intimes afin qu’elles me nourrissent plutôt que de m’épuiser.
Puis j’ai ouvert une autre porte, celle de l’improvisation corporelle, et redécouvert la scène. Découvert que sur le plateau je peux aussi m’exprimer avec mon corps, en restant en contact avec toute ma sensibilité, ouverte au lien avec moi-même, avec mes partenaires sur scène et avec le public. Découvert la joie, le plaisir du jeu. Découvert ce que j’avais déjà effleuré avec le chant : c’est sur scène que je me sens à ma place, et que, ancrée sur mes deux pieds, j’ai le sentiment de communier avec l’univers tout entier.
Alors j’ai pu redécouvrir le goût du texte, parlé ou chanté, et j’ai enfin compris comment jouer dans un opéra : être Mélisande pas seulement vocalement, mais des pieds à la tête, de manière organique, quand la musique – et le silence – le texte et la présence physique ne font plus qu’un.
Enfin, oh merveille, j’ai ouvert la porte du clown. L’instant présent, rempli d’émotion, de rire, de larmes, de chant, de lien. La jubilation du jeu à l’état pur, avec une exigence d’honnêteté et de justesse sans comparaison.
Aujourd’hui j’ai soif d’explorer ce monde d’émotions et de lien. Chant, opéra, clown, théâtre, improvisation, tout m’amène à partager des émotions réelles et profondes avec le public. Ouvrir des portes et découvrir des univers, s’émerveiller de leur poésie, de leur richesse et de leur beauté. Je vis de ces instants, où, pleinement présente, je suis avec mon corps et ma voix, avec le monde.