Je sais que tu es là, toujours derrière moi. Derrière moi, maintenant, au moment où j’écris, je sais que ton amitié est plus fidèle que tous les amours du monde et que c’est, humblement, d’une autre qualité. Mais je voudrais que tu aies ta place parmi ceux qui peuvent saisir des pommes, manger des figues, courir, nager, faire des gosses, vivre.
Plus égoïstement, je voudrais que tu sois là pour moi. J’écoute. Il n’y a pas de bruit ici.
Ici, ici, où es-tu? Là-bas, dans l’ombre de la commode, il n’y a rien que mon lit. Cette chose sombre là-bas, c’est mon manteau de berger.
Tu n’es pas là. Alors. Devant les livres? Devant tes livres favoris, c’est deux ou trois que tu prenais toujours puis tu restais à lire tout debout? Es-tu là? Je touche les livres. Ils ont encore toute leur poussière.
Tu es ombre, toi là, derrière ma chaise. Je ne toucherai plus ta main. Tu ne t’appuieras plus jamais sur mon épaule. Je n’entendrai plus ta voix. Je ne verrai plus ton bon regard avec son honnêteté et son grand rayon. Je sais que tu es là, près de moi, comme tous les morts que j’aime et qui m’aiment, comme mon père, comme un ou deux autres.
Mais tu es mort.