L’amour naissant, en devenant amour, en reconstruisant sur de nouvelles bases, a accompli sa tâche révolutionnaire: restent un autre travail, une autre maison, d’autres amis, d’autres enfants. Celui qui divorce et se remarie une, deux, trois fois, retrouve souvent une situation presque semblable à la première. Bien sûr, c’est en lui et en l’autre que tout cela est écrit; mais le monde ne se fait pas lumineux et toujours renaissant à volonté. L’amour naissant disparaît donc. Si, par contre, il doit se poursuivre, comme nous nous le sommes demandés au début, il faut que la vie extraordinaire se poursuive en quelque sorte dans l’existant, qu’elle se réalise comme voyage extraordinaire à travers l’existant. Voyage fait ensemble après de dures épreuves côte à côte, découverte et confrontation, continuelle réinterprétation du monde, continuel réexamen du passé historique.
Pour certains, cela est un combat, une poésie; pour d’autres simplement la faculté de s’émerveiller en permanence d’eux-mêmes et du monde, de chercher en permanence non pas ce qui rassure ou ce que l’on connait déjà, mais ce qui est défi, beauté, création. Le voyage à l’extérieur n’est donc que l’occasion, l’instrument d’un voyage continu à l’intérieur; de même, le voyage à l’intérieur est le stimulant continuel d’un voyage à l’extérieur. Dans ces conditions, l’amour naissant continue car l’état naissant re-naît. On re-voit, on re-découvre, on re-nouvelle, on se re-nouvelle, perpétuellement, cherchant les défis et les occasions. On re-tombe alors amoureux de la même personne.