Monthly Archives: April 2015

it’s all over now, baby blue · joan baez

Your lover who has just walked out your door
Has taken all his blankets from the floor
The carpet, too, is moving under you
And it’s all over now, Baby Blue

narcisse et goldmund · hermann hesse

Et pourtant la vie était belle! Il cueillit dans l’herbe une petite fleur violette, l’approcha de son œil pour regarder dans le calice étroit; il y avait là des veines et de minuscules organes fins comme des cheveux, comme au plus intime de la femme et comme au plus profond du cerveau d’un penseur où vibraient la vie et le plaisir. Oh! pourquoi ne savait-on rien, absolument rien? Pourquoi ne pouvait-on parler avec cette fleur? Mais deux hommes ne pouvaient même pas échanger vraiment leurs pensées, à moins d’un hasard heureux, d’une amitié ou d’une réceptivité exceptionnelles. Non, c’était une chance que l’amour n’eût pas besoin de paroles; sans quoi il se serait empli de malentendus et de folies. Ah! la façon dont les yeux de Lise à demi fermés avaient comme chaviré sous l’excès des délices, ne laissant plus voir qu’un trait blanc dans la fente des paupières convulsées, ça ne pouvait s’exprimer en dix mille formules de savants ou de poètes! Rien, ah! absolument rien ne pouvait s’exprimer à fond, se penser à fond, et pourtant on avait toujours en soi à nouveau le besoin ardent de parler, l’éternelle tendance à penser!

œdipe sur la route · henry bauchau

Le lendemain, Œdipe s’assied sur le seuil de la cabane et cherche à se rappeler ce qu’il a chanté la veille. Vaine entreprise, il n’y a plus en lui d’attention profonde, plus de pensée, rien que des invocations misérables et des prières en miettes. Il entend Diotime qui gravit le chemin et s’approche. Il se lève avec une sorte de colère, il s’entend dire: “Prier, toujours prier, ça sert à quoi?” la réponse est sans hésitation: “Ça sert à prier.”
Est-ce par la voix de Diotime ou par la sienne qu’elle a été proférée? Peu importe, car elle est inscrite au tréfonds de lui-même. Diotime n’est pas venue pour parler de cela, elle demande: “Plusieurs malades, qui sont chez nous, vont partir en voyage. Ils voudraient que tu viennes chanter pour eux, comme tu l’as fait hier soir. – Hier, ce n’est pas moi qui chantais, quelque chose a pris ma place. – Quelque chose qui avait ta voix, ta pensée, ta vie. Veux-tu venir ce soir?”