Tout d’un coup, je n’en peux plus. Je ne veux pas lire plus avant en moi. D’ailleurs l’insomnie chaude est devenue une insomnie glaciale. J’ai froid. Je ne peux plus penser à la mort de Stéphane. Il faut occulter cette douleur, la remettre à demain, à plus tard. Je prends un cachet pour dormir. Je vais faire une bouillotte d’eau chaude dans la salle de bains. Je la cale contre mes reins, je sens que je vais m’endormir, Stéphane et Paule sont encore vivants dans mon sommeil.
Je voudrais faire l’économie de toutes les morts que j’ai vécues, de celles que je devrai vivre encore. Je ne peux pas, je suis dans ce temps, dans ce monde, il n’y en a pas d’autre.
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la promesse de l’aube · romain gary (2)
Je suis sans rancune envers les hommes de la défaite et de l’armistice de 40. je comprends fort bien ceux qui avaient refusé de suivre de Gaulle. Ils étaient trop installés dans leurs meubles, qu’ils appelaient la condition humaine. Ils avaient appris et ils enseignaient “la sagesse”, cette camomille empoisonnée que l’habitude de vivre verse peu à peu dans notre gosier, avec son goût doucereux d’humilité, de renoncement et d’acceptation. Lettrés, pensifs, rêveurs, subtils, cultivés, sceptiques, bien nés, bien élevés, férus d’humanités, au fond d’eux-mêmes, secrètement, ils avaient toujours su que l’humain était une tentation impossible et ils avaient donc accueilli la victoire d’Hitler comme allant de soi. A l’évidence de notre servitude biologique et métaphysique, ils avaient accepté tout naturellement de donner un prolongement politique et social. J’irai même plus loin, sans vouloir insulter personne: ils avaient _raison_, et cela seul eût dû suffire à les mettre en garde. Ils avaient raison, dans le sens de l’habileté, de la prudence, du refus de l’aventure, de l’épingle du jeu, dans le sens qui eût évité à Jésus de mourir sur la croix, à Van Gogh de peindre, à mon Morel de défendre ses éléphants, aux Français d’être fusillés, et qui eût uni dans le même néant, en les empêchant de naître, les cathédrales et les musées, les empires et les civilisations.
la promesse de l’aube · romain gary (1)
Avec l’amour maternel, la vie vous fait, à l’aube, une promesse qu’elle ne tient jamais. Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d’amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n’y a plus de puits, il n’y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l’aube, une étude très serrée de l’amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu’il faille empêcher les mères d’aimer leurs petits. Je dis simplement qu’il vaut mieux que les mères aient encore quelqu’un d’autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n’aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.
7 janvier 2015
Une journée triste à plus d’un titre.
Bien décidée à continuer à chanter, à rire et à vivre pleinement tout l’amour qui vibre en moi – mais pour ça, avant il aura fallu pleurer. Et c’est comme ça. Et c’est juste, comme ça.
Et au hasard d’un post facebook, un texte qui m’a parlé de cette nécessité de ressentir avant d’agir.
les vœux de jean vilar au tnp
31 décembre 1953
A TOUS
En cette fin d’année je vous remercie pour la tâche, ingrate pour certains, que vous avez accomplie si courtoisement.
L’équipe artistique du théâtre remercie, en mon nom, tous ceux qui, de loin parfois, nous ont aidés à obtenir des résultats aussi efficaces et aussi honnêtes et purs.
Je vous souhaite pour 1954, et ce n’est pas une formule seulement, des chances et des bonheurs sûrs pour vous d’abord que je connais bien, pour votre compagne, pour vos enfants.
Ne souriez pas si j’ajoute ceci: vous savez bien que pour 1954, une fois de plus, nous ne pouvons pas ne pas être complices.
Affectueusement,
Jean Vilar
Extrait de Notes de service, Lettres aux acteurs et autres textes 1944-1967, éditions Actes Sud
no et moi · delphine de vigan
Je voudrais seulement être comme les autres, j’envie leur aisance, leurs rires, leurs histoires, je suis sûre qu’ils possèdent quelque chose que je n’ai pas, j’ai longtemps cherché dans le dictionnaire un mot qui dirait la facilité, l’insouciance, la confiance et tout, un mot que je collerais dans mon cahier, en lettres capitales, comme une incantation.
La violence de notre société, la violence indicible du silence face à l’injustice, le sentiment de ne pas savoir où est sa place, et l’impossibilité de certains deuils… Tant de sujets qui font que ce livre m’a touchée..
Elle se tait, pendant quelques minutes, le regard dans le vague. Je donnerais tout, mes livres, mes encyclopédies, mes vêtements, mon ordinateur, pour qu’elle ait une vraie vie, avec un lit, une maison et des parents pour l’attendre. Je pense à l’égalité, à la fraternité, à tous ces trucs qu’on apprend à l’école et qui n’existent pas. On ne devrait pas faire croire aux gens qu’ils peuvent être égaux ni ici ni ailleurs. Ma mère a raison. C’est la vie qui est injuste et il n’y a rien à ajouter. Ma mère elle sait quelque chose qu’on ne devrait pas savoir. C’est pour ça qu’elle est inapte pour son travail, c’est marqué sur ses papiers de sécurité sociale, elle sait quelque chose qui l’empêche de vivre, quelque chose qu’on devrait savoir seulement quand on est très vieux. On apprend à trouver des inconnues dans les équations, tracer des droites équidistantes et démontrer des théorèmes, mais dans la vraie vie, il n’y a rien à poser, à calculer, à deviner. C’est comme la mort des bébés. C’est du chagrin et puis c’est tout. Un grand chagrin qui ne se dissout pas dans l’eau, ni dans l’air, un genre de composant solide qui résiste à tout.
words of encouragement
(and i need them)
le choc amoureux · francesco alberoni
L’amour naissant, en devenant amour, en reconstruisant sur de nouvelles bases, a accompli sa tâche révolutionnaire: restent un autre travail, une autre maison, d’autres amis, d’autres enfants. Celui qui divorce et se remarie une, deux, trois fois, retrouve souvent une situation presque semblable à la première. Bien sûr, c’est en lui et en l’autre que tout cela est écrit; mais le monde ne se fait pas lumineux et toujours renaissant à volonté. L’amour naissant disparaît donc. Si, par contre, il doit se poursuivre, comme nous nous le sommes demandés au début, il faut que la vie extraordinaire se poursuive en quelque sorte dans l’existant, qu’elle se réalise comme voyage extraordinaire à travers l’existant. Voyage fait ensemble après de dures épreuves côte à côte, découverte et confrontation, continuelle réinterprétation du monde, continuel réexamen du passé historique.
Pour certains, cela est un combat, une poésie; pour d’autres simplement la faculté de s’émerveiller en permanence d’eux-mêmes et du monde, de chercher en permanence non pas ce qui rassure ou ce que l’on connait déjà, mais ce qui est défi, beauté, création. Le voyage à l’extérieur n’est donc que l’occasion, l’instrument d’un voyage continu à l’intérieur; de même, le voyage à l’intérieur est le stimulant continuel d’un voyage à l’extérieur. Dans ces conditions, l’amour naissant continue car l’état naissant re-naît. On re-voit, on re-découvre, on re-nouvelle, on se re-nouvelle, perpétuellement, cherchant les défis et les occasions. On re-tombe alors amoureux de la même personne.
i miss my biggest heart
beautiful Emily Dickinson letter published on Letters of Note
If you were here — and Oh that you were, my Susie, we need not talk at all, our eyes would whisper for us, and your hand fast in mine, we would not ask for language — I try to bring you nearer, I chase the weeks away till they are quite departed, and fancy you have come, and I am on my way through the green lane to meet you, and my heart goes scampering so, that I have much ado to bring it back again, and learn it to be patient, till that dear Susie comes. Three weeks — they cant last always, for surely they must go with their little brothers and sisters to their long home in the west!
jaime sabines
Grâce à Xosué Martinez, le photographe qui a pris les magnifiques photos de Viaje que vous pouvez voir sur le site, je découvre la poésie mexicaine, et elle me parle très très fort…
“Yo soy sólo una parte, sólo un brazo,
Una mitad apenas, sólo un brazo.
Te recuerdo en mi boca y en mis manos.
Con mi lengua y mis ojos y mis manos.”